sujet 2008 UE2 UP2

Publié le par Marie Hélène

 

 

U.E.2 : Sociologie de l’éducation et de la formation

U.P. 2 : APPROCHE SYSTÉMIQUE DES INSTITUTIONS ET DES ORGANISATIONS

 

SUJET DE L’EPREUVE ECRITE 2008

                                                                                                        SUJET 1

 

DOCUMENTS AUTORISES

 

Sujet :

-      Vous analyserez et commenterez ce texte en vous appuyant sur l’évolution historique de la pensée scientifique. Vous vous emploierez à expliciter les caractéristiques de l’approche systémique puis vous montrerez en quelle mesure il vous semble éclairer une de vos expériences personnelle ou professionnelle.

-      Votre production écrite devra être structurée par un plan, elle sera lisible, elle comportera de 3 à 6 pages manuscrites.

 

Le fond et la forme seront pris en compte dans l’évaluation.

Texte :

CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, 1977, L’acteur et le système, Paris, Editions du Seuil, 500 p., pages 233 à 236

 

« Par causalité linéaire, nous entendons un mode de causalité simple par lequel nous expliquons un effet par une cause ou, en compliquant un peu, par la conjonction de plusieurs causes indépendantes. La causalité systémique consiste à considérer effets et causes comme interdépendants à l'intérieur d'un système dont les propriétés (modes de régulation ou de gouvernement, types de jeux prédominants) permettent de comprendre et de prévoir les résultats que l'on voudrait expliquer. Si nous poussons un peu en opposant le raisonnement systémique au raisonnement linéaire le plus courant : au lieu de rechercher le ou les coupables, au lieu d'essayer de localiser le vice de structure ou le vice de fonctionnement, il s'agit de faire un diagnostic du système qui permette de comprendre en quoi et pourquoi, dans ce système, les comportements ou les mécanismes incriminés sont en fait rationnels.

Cette distinction n'est pas du tout une distinction de pure forme ou une subtilité philosophique. Nous allons, pour en montrer les conséquences pratiques, prendre un premier exemple très simple mais tiré pourtant d'un cas vécu.

Il s'agit de l'échec de l'introduction dans une entreprise d'une solution informatique de gestion intégrée pour résoudre un problème grave de relation entre commercial et production dont dépendait la survie de l'ensemble. Cette solution, dont la rationalité technique et l'utilité financière avaient été parfaitement démontrées et dont les possibilités d'application pratique avaient été testées sérieusement et avec plein succès, a dû être finalement écartée devant l'opposition sourde du personnel et des cadres de la principale usine de l'entreprise en cause.

Si, au lieu de nous limiter à l'étude directe prétendument concrète et réaliste des oppositions qui ont fait échouer la réforme et des arrière-pensées ou des motivations des présumés coupables, nous utilisons le raisonnement systémique pour comprendre à partir d'une analyse organisationnelle le problème que posait l'introduction de l'informatique, nous allons voir apparaître des problèmes et des solutions totalement différents.

Dans cette perspective, la saisie des informations nécessaires à la gestion par l'informatique, technique théoriquement neutre, apparaît en fait comme un phénomène structurant ou déstructurant. Si la clarté est faite sur la. vérité des informations traitées on est obligé de reconnaître officiellement les très larges tolérances que les contremaîtres accordent aux ouvriers dans la détermination du temps d'usinage des pièces ; ces tolérances sont telles que ceux-ci peuvent, en trichant sur les temps, augmenter leurs gains de plus du tiers. Mais il apparaît en même temps, d'un point de vue « rationnel », que l'entreprise aurait grand intérêt à augmenter les taux pour qu'ils permettent au personnel non seulement de maintenir mais même d'augmenter sa rémunération globale actuelle. Les gains à attendre de la gestion intégrée font beaucoup plus que compenser les conséquences de ce « coulage » traditionnel.

On sera alors amené à se demander pourquoi une solution de compromis n'a pas pu être trouvée entre les parties, pourquoi surtout on ne l'a même pas cherchée. On découvrira ainsi que la caractéristique du « système » que constitue l'entreprise, c'est que la négociation entre employeur et salariés se fait à l'intérieur d'une zone d'ombre à l'abri de laquelle contremaîtres et délégués ouvriers affirment une marge de liberté que l'organisation formelle ne leur reconnaît pas.

Si l'on s'interroge sur la signification de cette marge de liberté, on va finalement mettre en lumière l'existence dans le système d'un jeu à cinq partenaires : ouvriers-délégués-contremaîtres-direction-syndicats. Les dispositions formelles des accords direction-syndicats sont inapplicables sans les délégués et les contremaîtres. Les deux parties ne pourraient ni effectuer les arrangements indispensables ni en surveiller les conséquences. Mais les intermédiaires tirent parti de leur caractère indispensable pour se constituer, par le contrôle d'une zone d'incertitude cruciale, une source de pouvoir grâce à laquelle ils peuvent rendre, chacun concurremment, un grand nombre de services à leurs communs mandants, les ouvriers. Ces derniers, d'autre part, peuvent jouer les uns contre les autres et maintenir, eux aussi, une zone de liberté et une capacité d'action. On retrouve à ce niveau les résultats de l'analyse stratégique.

Au lieu de conclure en désignant les coupables et en indiquant les moyens pour les forcer à s'amender, au lieu même simplement de proposer une réforme des structures destinée à imposer la clarté et la « rationalité » qui devraient assurer l'efficacité, on sera amené à s'interroger sur les propriétés et caractéristiques du système sous-jacent à l'entreprise qui rendent ce genre de jeu raisonnable et utile, et sur les moyens qui peuvent permettre de le faire évoluer globalement.

A travers cet exemple, nous avons en fait essayé de mettre en évidence trois séries d'idées :

1. Il existe, tout d'abord, une possibilité de logique causale différente de la logique classique que nous employons dans l'analyse des activités humaines.

2. Cette logique systémique n'est pas une logique abstraite : elle ne peut se développer qu'à travers la connaissance de systèmes de relations ou d'actions dont les propriétés orientent fortement les acteurs en limitant les objectifs que ceux-ci peuvent raisonnablement se proposer.

3. Tout changement proposé pour l'épanouissement des individus, le développement de leurs activités ou l'amélio­ration du climat ou des performances de l'ensemble qu'if constituent, passe par la transformation de ces systèmes. »

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